Barbara
Yves Montand
Rappelle-toi, Barbara! Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais, souriante, Epanouie, ravie, ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi, Barbara! Il pleuvait sans cesse sur Brest Et je t'ai croisée, rue de Siam Tu souriais Et, moi, je souriais de même Rappelle-toi, Barbara, Toi, que je ne connaissais pas, Toi, qui ne me connaissais pas! Rappelle-toi! Rappelle toi quand même, ce jour-là! N'oublie pas! Un homme sous un porche s'abritait Et il a crié ton nom, "Barbara" Et tu as couru vers lui sous la pluie, Ruisselante, ravie, épanouie Et tu t'es jetée dans ses bras Rappelle-toi cela, Barbara! Et ne m'en veux pas si je te tutoie! Je dis "tu" à tous ceux que j'aime Même si je ne les ai vus qu'une seule fois Je dis "tu" à tous ceux qui s'aiment Même si je ne les connais pas Rappelle-toi, Barbara! N'oublie pas! Cette pluie sur la mer Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Sur l'arsenal Sur le bateau d'Ouessant Oh! Barbara, Quelle connerie la guerre! Qu'es-tu devenue maintenant Sous cette pluie de fer De feu, d'acier, de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement? Est-il mort, disparu ou bien encore vivant? Oh! Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé C'est une pluie de deuil terrible et désolée Ce n'est même plus l'orage De fer, d'acier, de sang, Tout simplement des nuages Qui crèvent comme des chiens, Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin, très loin de Brest Dont il ne reste rien.