La chanson des justes
Yves Duteil
Mesures à 2 temps Une gare au petit jour Dans le froid et la peur Et des soldats tout autour Qui hurlent dans des haut-parleurs Les wagons refermés comme un tombeau Des mains se tendent à travers les barreaux Mais leur appel est resté sans écho On a compris bien trop tard L'horreur qu'ils ont vécue La blessure dans les regards De ceux qui en sont revenus Les yeux couleur de cendres et de brouillard Des barbelés gravés dans leurs mémoires Mais dans le coeur un indicible espoir Vivre un jour, une heure là-bas C'est braver le silence Dépasser la mort d'un pas Devant ceux qui s'enivrent et dansent Dans ce voyage infernal Où tant d'âmes ont sombré Celui qui sauve une étoile Eclaire l'univers tout entier Des lueurs que les Justes ont allumées La porte entrebâillée dans l'escalier Sur le dernier refuge inespéré Au jardin du souvenir, Des cailloux sont posés Et les arbres ont beau fleurir A chaque printemps retrouvé Peut-on, un jour, apprendre à pardonner Le désespoir, les larmes et les années Que jamais rien ne pourra effacer ? Que jamais rien ne pourra effacer. (Tacet)