Une ile
Thierry Gahinet
Une île est une déchirure Dans l'habit rapé de la mer Un accroc comme une blessure Au sang brumé par chaque hiver Les ailes des bateaux s'y posent Et vivent un peu de sa douleur Quand le jour se métamorphose Et que s'effacent les couleurs / Les hommes sont nés pour la peine Et les femmes pour le tourment Entre le flot et la carène C'est le terrible affrontement Le sémaphore fait des signes A des bras perdus dans le vent Et les femmes en noir se signent En veillant sur des corps absents La bouche et la main s'y répondent Pour le baiser de l'infini Où les eaux des rêves s'y fondent En des vagues de nostalgie Le couteau des vents la dévore Pour fouiller à vif ses cheveux Comme un noyé étreint encore Le souvenir des jours heureux Les maisons basses sous la lune Confient leur vie en chuchotant Ici les chats ont fait fortune En mangeant des poissons d'argent On rit surtout de sa misère On vieillira jusqu'au printemps Ou le genêt fleurit la pierre Sur côte sauvage du temps