Miroir
Thierry Gahinet
Le vieux aspire sa cigarette Le tabac brun lui colle aux doigts Il est ainsi depuis des siècles Il est poète et hors la loi S'il regarde encore la colline La vieille maison et son p'tit bois Chaque arbre en lui a une racine Que la mort n'arrachera pas Quand le printemps flirte au village Sur un air de danse d'autrefois Le vieux refait son maquillage Pour juste trois où quatre pas S'il parle encore de sa jeunesse Des filles et du vin à la fois C'est que sa vie fut une fête Au lendemain des gueules de bois Quand il regarde sa vieille tête Sa vieille tête d'ostensoir Il fait le compte de ses conquêtes De ses amours près du lavoir S'il aime encore sa toute belle Marie qui brûle dans son corps Celle qui lui a dit "je t'aime" Ce n'est pas une vieille histoire Au rendez-vous de la populace Il tient meeting dans un bistrot Pour le parfum d'une vinasse Et pour l'amour d'un vieux mégot S'il vide pieusement les verres de rouge Au ralenti sans regarder On dirait que sa vie débouche En fin de course sur un fossé.