La jeune veuve
Serge Reggiani
Ce chant est à 4 accords magiques! Il est montré ici dans la transposition originale: en le jouant avec des capo ou en le transposant, vous pouvez le ramener à Am, F, C, G.
La perte d'un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit, et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole; Le Temps ramène les plaisirs. Entre la Veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande: on ne croirait jamais Que ce fût la même personne. L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne; C'est toujours même note et pareil entretien: On dit qu'on est inconsolable; On le dit, mais il n'en est rien, Comme on verra par cette Fable, Ou plutôt par la vérité. L'Epoux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. A ses côtés sa femme Lui criait : Attends-moi, je te suis; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. Le Mari fait seul le voyage. La Belle avait un père, homme prudent et sage: Il laissa le torrent couler. Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes: Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports; Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. Ah! dit-elle aussitôt, Un Cloître est l'époux qu'il me faut. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe. L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure, En attendant d'autres atours. Toute la bande des Amours Revient au colombier : les jeux, les ris, la danse, Ont aussi leur tour à la fin. On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence. Le Père ne craint plus ce défunt tant chéri; Mais comme il ne parlait de rien à notre Belle: Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis? dit-elle.