Jean qui guette
Roger Serge
Je suis jean qui guette, / Chanteur et siffleur, Qui serait poète / S'il n'était voleur, Et qui serait morne / S'il ne trouvait pas Au coin de la borne / Ses quatre repas J'ai la mine haute / Et le nez en fleur De la pentecôte / A la chandeleur. Je rôde, je marche ; / J'ai pour toit le ciel, Pour alcôve une arche / Du pont saint Michel. Ah! c'est toi, vieux singe! / Disent les cathos Qui battent leur linge / Au bord des bateaux, Drôlesses ingambes, / Et que j'aime à voir Se laver les jambes / En chantant le soir J'ai près d'une belle / Respect et bon ton ; Je lui dis mamselle ; / Ca flatte Goton. Quand j'ai d'aventure / Fait quelque bon coup, J'en mène en voiture / Quelqu'une à Saint-Cloud. J'invite à ma table, / Pour un fin soupé, La plus respectable, / Une franche P. Les sergents de ville, / Valets du plus fort, Ont l'âme si vile / Qu'ils me font du tort. Sous la raison basse / Que j'ai pris parfois Leur bourse qui passe / A d'affreux bourgeois, On vient, on saccage / Mon lit de roseau, On me met en cage / Comme un pauvre oiseau. (Instrumental) J'échappe, et me tire ; / Mais c'est ennuyeux, Pour moi qui respire / Tout le vent des cieux ! Cela me dérange. / Des fois j'ai logé Sous le pont-au-change ; / J'ai déménagé. J'ai plus d'une issue. / Ma vie est ainsi Toute décousue, / Ma culotte aussi Ah ! les temps sont rudes ! / Souvent on a faim Les filles sont prudes, / La jeunesse enfin N'a plus, que c'est bête ! / Le moindre oripeau, Ni joie en la tête, / Ni plume au chapeau. Je suis pour tout dire, / Un garçon railleur, Moins mauvais qu'un pire, / Moins bon qu'un meilleur. Je ris comme un coffre, / Je bois comme un trou. O Satan je m'offre / A toi pour un sou Je ris comme un coffre, / Je bois comme un trou. O Satan je m'offre / A toi pour un sou !