Du gris
Renaud
Intro : Hep ! Monsieur, une cigarette ! Une cibiche, ça n'engage à rien, si j'te plaît, on f'ra la causette, t'es gentil, t'a l'air d'un bon chien. Tu s'rais moche, ça s'rait la même chose, j'te dirais quand même que t'es beau, pour avoir, t'en d'vines bien la cause, c'que j'te d'mande, une pipe, un mégot. Ah, non ! Pas l'anglaise, ni l'bout doré, ces tabacs-là c'est du chiqué. Du gris, que l'on prend dans ses doigts et qu'on roule c'est fort, c'est âcre, comme du bois, ça vous soûle. C'est bon et ça vous laisse un goût presque louche de sang, d'amour et de dégoût, dans la bouche. Tu fumes pas, ben t'en a d'la chance, c'est qu'la vie, pour toi, c'est du v'lours, le tabac, c'est l'beau d'la souffrance, quand on fume, l'fardeau est moins lourd. Y'a l'alcool, m'parle pas d'cette bavarde, qui vous met la tête à l'envers, la rouquine qu'était une pocharde, à vendu son homme à des blaires. C'est ma morphine, c'est ma coco, quoi ? C'est mon vice à moi l'perlo. Du gris, que l'on prend dans ses doigts et qu'on roule c'est fort, c'est âcre, comme du bois, ça vous soûle. C'est bon et ça vous laisse un goût presque louche de sang, d'amour et de dégoût dans la bouche. Monsieur l'docteur, c'est grave ma blessure ? Oui j'comprend, y a plus d'espoir, le coupable, j'en sais rien j'vous l'jure, c'est la rue, l'métier, le trottoir. Le coupable, au fait, j'vais vous l'dire, c'est les femmes avec leur amour, c'est le coeur qui se laisse séduire, la misère qui dure nuit et jour. Ah, et puis j'm'en fout, t'nez, donnez moi, avant d'mourir, une dernière fois, Du gris, que dans mes pauvres doigts je roule c'est bon, c'est fort, ça monte en moi, ça me soûle. Je sens que mon âme s'en ira, moins farouche dans la fumée qui sortira de ma bouche.