La chanson des pissenlits
Pierre Letourneau
J'ai couru vingt milles et me voici Fatigué délavé par la pluie Je t'apporte quelques pissenlits C'est le vent qui les a défraîchis Pourquoi nous as-tu quitté si tôt Dieu châtie bien ceux qu'il aime trop Que ferais-je de tous mes dimanches Maintenant que tu es sur les planches Tes cousins viendront te raconter Qu'ils ont pleuré comme lièvre en cage N'en crois rien ils ont plutôt pensé Au partage de ton héritage Ils auront je le vois bien d'ici La voix pâle et aussi l'oeil aigri Mais demain après la mise en terre Ils iront gueuler chez le notaire J'ai couru vingt milles et me voici Fatigué délavé par la pluie Je t'apporte quelques pissenlits C'est le vent qui les a défraîchis Au village depuis qu't'es parti Les chats ne sortent plus que la nuit Aux fenêtres des maisons les fleurs Ont perdu déjà toutes leurs couleurs C'est mon chien qui va chercher longtemps La fontaine où tu l'amenais boire L'vieux Julien qui se meurt lentement M'a prié de te dire au revoir C'était lui le copain des jours tendres A qui parfois tu faisais comprendre En criant pour qu'il puisse t'entendre Que les femmes il faut s'y laisser prendre Au Bon Dieu tu croyais pas souvent Mais un soir où la nuit était pâle Je t'ai vu tu parlais aux étoiles Comme aux copains retrouvés dans le temps Ici au fond de l'immensité Tu t'ennuies en comptant les secondes Penses à moi de l'autre bout du monde Penses à moi si tu le peux, si tu le veux Pendant l'éternité