Le petit vieux du square St-Lambert
Michel Fugain
Un petit vieux attend square Saint-Lambert, usé par les hommes et le temps Un petit vieux attend sur un banc de pierre sans déranger les braves gens. Dans le manteau de la misère où dorment ceux qui n'ont plus rien, Il attend que passe l'hiver, crevant de froid, tremblant de faim. On dit qu'il avait tout, qu'il a tout perdu jusqu'au dernier sou ! Où est la société que nous chantaient nos grands-pères ? Celle où chacun devait être fort et fier ... Comment peut-on briser un homme et sa vie entière ? Et qu'un jour au fond de ses yeux, on lise ce cri silencieux : Assez, assez, arrêtez le carnage et regardez les choses en face ! Allez, allez, ayez au moins le courage de me donner le coup de grâce ! Un petit vieux attend square Saint-Lambert, un peu plus vieux chaque matin. Il finit comme un chien sur son banc de pierre, un peu plus seul, un peu plus rien. Dans l'ombre de l'indifférence d'une ville aux mille reflets, Il oublie les coups, les offenses, ceux qu'il aimait, ce qu'il était. On dit qu'il donnait trop, qu'il aurait mieux fait d'être un vrai salaud ! Où est la société que nous chantaient nos grands-pères ? Les vautours en voulaient, on a laissé faire ... Que vaut la vie d'un homme dans le merdier des affaires ? Cet homme qui du fond des yeux lance ce cri silencieux : Assez, assez, arrêtez le carnage et regardez les choses en face ! Assez ! Assez ! Arrêtez le carnage ... Allez ! Allez ! Ayez un peu de courage ... Un petit vieux attend square Saint-Lambert, usé par les hommes et le temps Un petit vieux attend sur un banc de pierre sans déranger les braves gens.