Chanson noire
Marc Ogeret
Mon sombre amour d'orange amère Ma chanson d'écluse et de vent Mon quartier d'ombre où vient rêvant Mourir la mer, Mon doux mois d'Août dans le ciel bleu, Mes étoiles sur les monts calmes, Ma songerie aux murs de palmes Où l'air est bleu. Mes bras d'or, mes faibles merveilles, Renaissent ma soif et ma faim, Collier, collier des jours sans fin Où le coeur veille. Dire que je puis disparaître Sans t'avoir tressé tous les joncs, Dispersé l'essaim des pigeons A ta fenêtre. Sans faire flèche du matin Flèche du trouble et de la fleur, De l'eau fraîche et de la douleur Dont tu m'atteins. Est-ce que l'on sait ce qui se passe, C'est peut-être bien ce tantôt Que l'on jettera le manteau Dessus ma face ! Et tout ce langage perdu, Ce trésor dans la fondrière, Mon cri recouvert de prière, Mon chant vendu. Je ne regrette rien qu'avoir La bouche pleine de mots tus Et dressé trop peu de statues A ta mémoire, Ah ! Disant encore qu'il bat Ce coeur usé contre sa cage, Pour elle qu'un dernier saccage Le mette bas. Coupez ma gorge, et les pivoines, Vite apportez mon vin, mon sang Pour lui plaire comme en passant Font les avoines. Il me reste si peu de temps Pour aller au bout de moi-même Et pour crier : « Dieu que je t'aime Tant ! »