Ainsi Prague
Marc Ogeret
Ainsi Prague a perdu son âme et son poète Lorsque j'irais tantôt je ne l'y verrais pas Et son coeur s'est brisé comme un verre qu'on jette A la fin du repas. Lorca, Maiakovski, Desnos, Apollinaire, Leurs ombres longuement parfument nos matins, Le ciel roule toujours les feux imaginaires De leurs astres éteints. Contre le chant majeur la balle que peut-elle ? Sauf contre le contre le chanteur, que peuvent les fusils ? La terre ne reprend que cette chair mortelle Mais non la poésie ! Ce siècle est au-delà du minuit de son âge Ses poètes n'ont plus besoin d'être achevés Ils ont usé leur vie au danger des images Et croient avoir rêvé. Il se fit dans Paris un silence de neige Un réveil de Novembre à neuf heures battant Quand Eluard partit rejoindre le cortège Nezval meurt au printemps. C'est de sa belle mort comme disent les hommes Qu'il meurt Nezval et tout par conséquent est bien Il ne faut pas pleurer dans ce siècle où nous sommes Cela ne sert à rien ! Il meurt l'enfant terrible au jour des primevères Pâques éperdument auront sonné pour lui Ses paupières fermées ses doigts se sont ouverts Ses derniers vers ont luit. Dans ce monde en gésine, inhumain, pathétique, Il tourne au firmament à jamais ses yeux bleus, Visages émerveillés des peintures gothiques Soleil de quand il pleut. Il est entré vivant dans les cieux du folklore Y chantant sa mère et la paix pareillement Il nous montre demain comme une bague d'or Dans la main d'un amant. Nezval de qui le nom notre lèvre façonne Nezval attend un peu, j'arrive à tes côtés Du jour qui fut si beau déjà le soir frissonne Et d'autres vont chanter !