Les éléphants

Manu Galure

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Tandis que le soleil a fini sa besogne La savane brûlante avale un peu de vent Les lions sont partis boire et tout est apaisant La hyène défend sa poussiéreuse charogne C'est un soir ancestral et de clartés orange Un houleux troupeau de gnous, docile pâture Ici, un jeune singe lèche sa blessure La savane a parfois de ces repos étranges Le monde est sillonné de lumières qui croisent Derrière les magnoliers, des silhouettes noires Et, dans le bruissement des feuillages, on peut voir Les formes étirées d'un jeu d'ombres chinoises C'est un cortège immense emportant des géants Voyageurs lents et rudes et sombre caravane Ils marchent en silence et soudain la savane Se tait un peu pour voir passer les éléphants Monstres rugueux et gris aux défenses de pierre Les trompes happent des mouches qui agacent les yeux Leur peau de boue séchée s'effrite et derrière eux Ils partent en laissant des trainées de poussière Ils sont peut-être cent qui traversent la nuit Harassés par la soif et la pénible errance Leurs masses balancées font une étrange danse Et jusqu'où iront-ils, et d'où sont-ils partis ? Là, une matriarche aride et centenaire Majestueuse ancêtre, et terne, et crevassée Et boiteuse, et rompue, les oreilles mâchées Pressent que cette marche sera la dernière Elle a vécu longtemps, la vie est admirable Mais la douleur amère et perçante la broie Hargneuse, âpre, sauvage, elle fait un dernier pas Puis elle couche son corps en écrasant le sable Allongée sur le flanc, le souffle qu'elle expire Est un bruit rauque et long, avant d'être vaincue Elle a levé les yeux et les autres l'ont vue Ils se sont arrêtés, elle se laisse mourir La savane a pu voir le spectacle étonnant D'une foule de cent mastodontes attroupés Qui forment une ronde autour de leur aînée Accompagnant sa mort dans des barrissements Puis, le cadavre éteint, tous les vivants s'en vont C'est une courte pause au milieu de l'exil Les petits se raccrochent à leur mère et la file Des léviathans s'élance et rejoint l'horizon Autour du corps gisant des charognards s'entassent Becs, griffes et dents qui déchirent la peau C'est un bruyant repas de chair et de sang chaud Ils abandonneront bientôt une carcasse La trêve de ce soir n'a duré qu'un instant La savane reprend ses meurtres de la nuit Les animaux se terrent, chassent, volent ou fuient Ils oublient qu'ils ont vu passer les éléphants

La chanson évoque une scène paisible dans la savane au crépuscule, où différents animaux se côtoient dans une ambiance à la fois sereine et empreinte de nostalgie. Au milieu de cette tranquillité, un troupeau d'éléphants fait son apparition, avançant lentement avec l'élégance et la majesté qui les caractérisent. Cependant, cet instant de calme révèle aussi une profonde mélancolie, notamment à travers la figure d'une matriarche vieillissante qui, après avoir vécu une vie pleine, se prépare à quitter ce monde. La scène devient alors un hommage poignant à la vie et à la mort, symbolisée par la ronde des autres éléphants entourant leur aînée lors de sa dernière heure. Les charognards, en contraste, viennent ensuite rappeler la réalité implacable de la nature. Suite à ce moment de recueillement, la savane reprend son cours, et tout semble oublié, soulignant l’éphémérité de la vie et de la mémoire dans ce vaste territoire.