Trente ans
Les P'tits Yeux
Penser la vie comme une routine, une vieille rengaine, C'était avant d'avoir trente ans, Mettre dans mon lit des jolies fleurs sans joie ni peine, C'était avant d'avoir trente ans, C'était avant de distiller l'alcool de vie Pour en extraire le goût des fruits, La quintessence des jours sucrés, Avant de croire qu'la poésie nous sauvera Tous que nous sommes pauvres bêtas, Rêveurs d'un monde trop étriqué. Avoir l'envie d'garder en vie de vieilles rancoeurs C'était avant d'avoir trente ans Perdre mon temps à faire d'un con un beau penseur C'était quand j'étais indulgent, C'était avant d'piller l'enfance de ses ressources, D'aller puiser jusqu'à la source Dans les ressorts de l'insouciance, Avant peut-être d'éparpiller les graines du temps A tout hasard et à tout vent Sur les chemins de l'existence. À chaque saison sa bonne étoile, Son expression du beau, du con, du bien, du mal, À la lumière du temps perdu, j'ai mes trente ans qui m'ont mis le grappin dessus. Cirer les pompes du prince en assesseur modèle, j'l'aurais pas fait même à vingt ans, Crier « hourra » pour l'immigré qu'on interpelle Ça je le laisse aux impuissants, Et j'm'en remets au p'tit bonheur universel Qui nous attend, qui nous appelle Du moment qu'on lui fasse du pied, En procurant de l'eau de source à mon moulin, Du vent de l'ouest et du bon vin Sans autre forme de succès. À chaque étape, sa feuille de route Ses fautes de frappe, ses emmerdeurs, ses joies, ses doutes Mais au crédit du temps offert, j'ai mes trente ans qui tiennent une santé de fer Rutiler sous vos yeux complices chers camarades, j'continuerai après trente ans, Mais pour vous dire mon amitié sans mascarade, je resterai un impotent, J'continuerai d'user de tous mes stratagèmes, Fumisteries, chansons bohèmes , Pour vous emmener sous mon toit, À me poiler encore de vos blagues licencieuses Pour que les trente prochaines glorieuses, je vous conserve auprès de moi.