Turlutte de mon pays
Lawrence Lepage
Je suis debout sur la terrasse à regarder passer le temps Et j'ai mon pays en pleine face, je parle seul, j'ai l'mors aux dents Chargés pour leur dernier voyage, trois beaux navires prennent le large La mort dans l'âme, la peine aux yeux, les débardeurs rentrent chez-eux Da, di dili dam di li di dam... L'automne est arrivé mon frère, il a tout englouti l'pays La terre est gelée comme du fer, les feuilles ont tombées comme d'la pluie Les nids sont tout à découvert et la corneille n'a rien compris Les glaces ont pris toutes les rivières, soustrait les jours, compte les nuits Nous sommes là comme des arbres qui vivent ensemble depuis longtemps Et l'on se touche du bout des branches, ça fait du bien parfois le vent Ca fait du bien comme un regard qui dit "Je t'aime" à plus finir Ca fait du bien au coeur, au corps et sur la lèvre naît un sourire J'ai rencontré un vieux renard qui habitait un grand château Dans une prairie derrière le nord, seul dans l'hiver comme un bouleau Puis il m'a dit "Prends mes deux chiens, mes pièges, mon sac, tous mes fusils Car moi je vais mourir demain et je voudrais te dire ceci" Quand tu iras au bout de toi, tu retrouveras ton pays Tu cesseras d'être à genoux et tu verras venir les loups Ce matin c'est la première neige, un renard suit une perdrix Le lièvre a laissé des pistes fraîches pour les loups qui sortent la nuit