C'est beau
Jean-Michel Piton
Un parfum de sève et d'écorce La veine d'un bois que l'on force À la souplesse du rameau C'est beau Deux feuilles de papier crépon Qui se froissent dans un frisson Une corolle de pavot C'est beau Et l'envie qui devient complice Allume le feu d'un supplice Dont les doigts seraient les fagots C'est beau, c'est beau, oh, oh, oh, c'est beau Et prendre des jambes à son cou Jamais collier ne fut plus doux Et porteur d'aussi beaux joyaux C'est beau Une rivière de diamants Qui s'écoulerait doucement Entre les mousses et les roseaux C'est beau Au creux des dunes, l'oasis Où les fauves se réunissent Et viennent boire à ce point d'eau C'est beau, c'est beau, c'est beau Le lion y griffe la gazelle Et puis tendrement l'écartèle Et la mord dans un souffle chaud C'est beau Et cette lame dans les reins Qui fait de ce fol assassin Et la victime et le bourreau C'est beau Un cri de brûlure et d'épices Un mot de plaie, de cicatrice Une plainte comme un sanglot C'est beau, c'est beau, c'est beau Cette corde au ventre, tendue Ce tambour qui ne retient plus Son rythme d'accelerando C'est beau Ces yeux qui frôlent la Grande Ourse Ces corps trempés d'après la course Comme les robes des chevaux C'est beau Ce hurlement de précipice Où vivre et mourir s'engloutissent Dans ce formidable tombeau C'est beau, c'est beau, c'est beau Un chant profond de citadelle Pour une musique éternelle À jamais jouée en duo C'est beau L'accord de la fleur et du mal Aux orgues d'une cathédrale Où la vie clame son credo C'est beau Une messe pour un délice Où l'on boit l'amour au calice Pour un Dieu de chair et de peau C'est beau, c'est beau, oh, oh, oh, c'est beau C'est beau.