Va danser
Jacques Douai
Au mois d'août, en fauchant le blé, On crevait de soif dans la plaine ; Le corps en feu, je suis allé Boire à plat ventre à la fontaine : L'eau froide m'a glacé "les sangs". Et je meurs par ce tendre automne Où l'on danse devant la tonne Durant les beaux jours finissants... J'entends les violons... Marie ! Va, petiote que j'aimais bien ; Moi, je n'ai plus besoin de rien !... Va-t'en danser à la frairie, J'entends les violons... Mari e ! Veux-tu bien me sécher ces pleurs ? Les pleurs enlaidissent les belles ! Mets ton joli bonnet à fleurs Et ton devantier en dentelle : Rejoins les jeunesses du bourg Au bourg où l'amour les enivre ; Car, si je meurs, il te faut vivre... Et l'on ne vit pas sans amour ! Entre dans la ronde gaiement ; Choisis un beau gâs dans la ronde, Et donne-lui ton cœur aimant Qui resterait seul en ce monde... Oui, j'étais jaloux cet été Quand un autre t'avait suivie ; Mais on ne comprend bien la vie Que sur le point de la quitter... Après ça, tu te marieras... Et, quand la moisson sera haute, Avec ton homme au rude bras, Moissonnant un jour côte à côte Vous viendrez peut-être à parler, Emus de pitié grave et sobre, De Jean qui mourut en Octobre D'un mal pris en fauchant les blés...