Les bigotes
Jacques Brel
Elles vieillissent à petits pas De petits chiens en petits chats Les bigo-o-tes Elles vieillissent d'autant plus vite Qu'elles confondent l'amour et l'eau bénite Comme toutes les bigo-o-tes Si j'étais diable en les voyant parfois Je crois que je me ferais châtrer Si j'étais Dieu en les voyant prier Je crois que je perdrais la foi Par les bigo-o-tes Elles processionnent à petits pas De bénitier en bénitier Les bigotes Et patati et patata Mes oreilles commencent à siffler Les bigotes Vêtues de noir comme Monsieur le Curé Qui est trop bon avec les créatures Elles s'embigotent les yeux baissés Comme si Dieu dormait sous leurs chaussures De bigotes Le samedi soir après le turbin On voit l'ouvrier parisien Mais pas de bigotes Car c'est au fond de leur maison Qu'elles se préservent des garçons Les bigotes Qui préfèrent se ratatiner De vêpres en vêpres de messe en messe Toutes fières d'avoir pu conserver Le diamant qui dort entre leurs fesses De bigotes Puis elles meurent à petits pas A petit feu en petit tas Les bigotes Qui cimetièrent à petits pas Au petit jour d'un petit froid De bigotes Et dans le ciel qui n'existe pas Les anges font vite un paradis pour elles Une auréole et deux bouts d'ailes Et elles s'envolent à petits pas De bigotes.