Jojo
Jacques Brel
Jojo, voici donc quelques rires, Quelques vins, quelques blondes, J'ai plaisir à te dire Que la nuit sera longue A devenir demain. Jojo, moi je t'entends rugir Quelques chansons marines, Où des bretons devinent Que Saint-Cast doit dormir Tout au fond du brouillard. Six pieds sous terre, Jojo, tu chantes encore, Six pieds sous terre, tu n'es pas mort. Jojo, ce soir comme chaque soir Nous refaisons nos guerres, Tu reprends Saint-Nazaire, Je refais l'Olympia Au fond du cimetière. Jojo, nous parlons en silence D'une jeunesse vieille, Nous savons tous les deux Que le monde sommeille Par manque d'imprudence. Six pieds sous terre, Jojo, tu espères encore, Six pieds sous terre, tu n'es pas mort. Jojo, tu me donnes en riant Des nouvelles d'en bas, Tu me dis mort aux cons, Bien plus con que toi Mais qui sont mieux portants. Jojo, tu sais le nom des fleurs, Tu vois que mes mains tremblent, Et je te sais qui pleures Pour noyer de pudeur Mes pauvres lieux communs. Six pieds sous terre, Jojo, tu frères encore, Six pieds sous terre, tu n'es pas mort. Jojo, je te quitte au matin Pour de vagues besognes, Parmi quelques ivrognes, Des amputés du cœur Qui ont trop ouvert les mains. Jojo, je ne rentre plus nulle part, Je m'habille de nos rêves, Orphelin jusqu'aux lèvres Mais heureux de savoir Que je te viens déjà. Six pieds sous terre, Jojo, tu n'es pas mort, Six pieds sous terre, Jojo, je t'aime encore.