Tit-Nor
Gilles Vigneault
Je suis parti, j'étais toute jeunesse Gagner ma vie et me faire un métier A mes parents j'avais fait la promesse De revenir aussitôt fortuné J'ai vu de loin s'éloigner mon village Midi sonnant je ne l'entendis pas Car je marchais vers des mirages Qui grandissaient à chacun de mes pas. (2x) | | (2x) Me suis trouvé marchant de ville en ville Bien peu d'amis, beaucoup de compagnons Le verre plein, l'amitié est facile On est tout seul quand on en voit le fond D'où c'est qu'tu viens, comment c'est qu'tu t'appelles Norbert, une bière! Armand, moi j'prends du fort Moi, j'lave les vitres, moi, la vaisselle Mes compagnons m'ont appelé Tit Nor Tout ces métiers qui sont fils de misère Je les ai faits et je m'en suis défait On est chômeur quand on veut pas les faire Quand on les perd, on est comme on était C'est pas au bout des balais, pis des pelles Que la fortune advient le plus souvent Les gros qui l'ont couchent pas loin d'elle Les autres sont feuilles d'automne au vent Ah! Si j'avais été d'amour naïve J'aurais pris femme et j'aurais des enfants Maison, voiture, comme ceux qui arrivent Je serais seul, mais seul moins seulement Car trop d'argent met l'amour en doutance Et pas assez l'éloigne à tout jamais J'ai dépensé mon existence Avant de gagner l'coeur de celle que j'aimais Trois jours passés, me suis mis de voyage Pour retrouver mes parents, mes amis Pour mes parents, c'est au bout du village Au cimetière où la mort les a mis Mais mon oreille et ma vue sont surprises On voit personne et tout est désâmé Un chien perdu sort de l'église Et j'ai compris mon village a fermé Je suis donc monté m'informer chez Narcisse Qui a refusé de bouger du cinquième rang Fallut fermer par loi de la justice De la justice et des gouvernements A-t'il fallu travailler sur nos terres Tant éssoucher et piler des cailloux Pour découvrir chez un notaire Qu'au bout de nos vies, on était pas chez nous J'ai bien pensé m'installer dans la place Passer la nuit, brailler sur un perron Sauver l'église avant qu'elle se défasse Et réparer la meilleure maison Je deviendrai mon propre locataire, Je deviendrai mon propre médecin Bedaud, curé, marchand et maire Mon propre ami et mon propre voisin Comme en prison à la faveur du monde Je partirai comme j'étais venu Je n'attends pas que quelqu'un me réponde Le désespoir n'est jamais bienvenu A mes pareils tourmentés de voyage Mon triste sort leur serve de leçon Ne quittez pas votre village Si vous n'avez pas une grande instruction! Faut donc partir, mais plus toute jeunesse Gagner ma vie n'importe quel métier Moi qui faisais dans le temps des promesses De grand retour aussitôt fortuné De temps en temps, j'aperçois un village J'entends Midi quand il ne sonne pas Marchant toujours vers des mirages Qui se défont à chacun de mes pas.