La moitié du parcours
Gilles Marchal
Mesures à 4 temps Dès potron-minet, à peine habillée, Tu faisais l'inventaire de tes allées Désherber par-ci, arroser trop tard T'avais toujours un métro de retard Comme ces vieilles citadines lâchées à la campagne, Tu étais la risée des paysannes J'ai fait la moitié du parcours Et tu m'as lâché la main Tu m'as pris de court Mais comment te dire ? Je ne t'ai pas vue vieillir Couchée à dix, levée à six, Tu me disais que l'on vit Dix fois dix Et t'as mouru un beau matin Sans me prévenir, sans rien Le dimanche matin, sur ton trente et un Tu vérifiais si tu n'oubliais rien Et sans crier gare, tu filais dare-dare Pour la messe, fallait pas être en retard! Comme ces dames patronnesses amoureuses du curé, Tu trottinais sous mon rire, amusée J'ai fait la moitié du parcours Et tu m'as lâché la main Tu m'as pris de court Mais comment te dire ? Je ne t'ai pas vue vieillir Couchée à dix, levée à six, Tu me disais que l'on vit Dix fois dix Et t'as mouru un beau matin Sans me prévenir, sans rien Pour meubler tes jours, tu donnais des cours Aux attardés, aux voyous, aux balourds Tu leur prenais rien ; ils comprenaient rien, Mais moins encore que c'était pour leur bien Et quand, de tes yeux fatigués, tu lisais au tableau Ils faisaient des bras d'honneur dans ton dos J'ai fait la moitié du parcours Et tu m'as lâché la main Tu m'as pris de court Mais comment te dire ? Je ne t'ai pas vue vieillir Couchée à dix, levée à six, Tu me disais que l'on vit Dix fois dix Et t'as mouru un beau matin Sans me prévenir, sans rien