Cantique paîen
Gérard Pierron
Je suis parti sans savoir où Comme une graine qu'un vent fou Enlève et transporte : A la ville où je suis allé J'ai langui comme un brin de blé Dans la friche morte Notre Dame des Sillons! Ma bonne Sainte Vierge, à moi ! Dont les anges sont les grillons O Terre! Je reviens vers toi ! J'ai dit bonjour à bien des gens Mais ces hommes étaient méchants Comme moi sans doute. L'amour m'a fait saigner un jour Et puis j'ai fait saigner l'Amour Au long de ma route. Je suis descendu bien souvent Jusqu'au cabaret où l'on vend L'ivresse trop brève; J'ai fixé le ciel étoilé Mais le ciel, hélas! m'a semblé Trop haut pour mon rêve. Las de chercher là-haut, là-bas Tout ce que je n'y trouve pas Je reviens vers celle Dont le sang coule dans mon sang Et dont le grand cœur caressant Aujourd'hui m'appelle. Au doux terroir où je suis né Je reviens pour me prosterner Devant les miracles De celle dont les champs sans fin De notre pain de notre vin Sont les tabernacles. Je reviens parmi les guérets Pour gonfler de son souffle frais Ma poitrine infâme, Et pour sentir, au seuil du soir, Son âme, comme un reposoir S'offrir à mon âme. Je reviens, ayant rejeté Mes noirs tourments de révolté Mes haines de Jacques, Pour que sa Grâce arrive en moi Comme le dieu que l'on reçoit Quand on fait ses Pâques.