Jeanne
Gérard Manset
Quand elle revint chez les siens, Les gens l'attendaient sur le port, Buvant le vin des musiciens, Entourés d'hommes et de chiens Fidèles aux longs cordages usés Qui tenaient debout leur fusée. On lui mit autour du cou La dent du dernier cheval mort Qu'on avait amené chez nous Et dont on dit qu'il bouge encore. En elle-même, au fond du puits Du temps qui s'est passé depuis Alors autour des barques folles, Les flammes rouges montent du sol Et devant l'évêque de Meaux On parle d'elle à demi-mot. On dit de Jeanne revenue, Tendant au ciel sa lame nue Que chaque démon qu'elle abat, C'est celui qu'elle avait mis bas Quand elle revint chez les siens. Les gens l'attendaient sur le port, Fumant l'herbe des magiciens, Jouant sur des violons anciens. Au creux de leur âme s'envole La chanson de Jeanne la folle. On dit que Jeanne est revenue, Que c'est le démon toute nue Et devant l'évêque de Meaux, On la condamne à demi-mot. A côté d'eux, la Marne roule Et, de son écharpe, elle enroule Magiciens en cérémonie Et montre le creux de son lit. Alors, tout est bien Et, de la Marne au Rhin, Les hommes et les chiens Tout le long du canal Suivent Jeanne au bûcher bancal. Quand elle revint chez les siens Vivante et tous les autres morts, Il s'en trouvait peut-être bien Qui l'attendaient, qui l'aiment encore. Au fond du puits volent les cendres Où l'on voit son âme descendre. On dit que Jeanne reviendra Portant sa tête dans un drap. Autour des barques qu'on a mises, Montera l'eau de la Tamise Et chanteront les vagues bleues, Crachant des anges comme il pleut, Des faux, des fourches et des pieux. Seront pour le jugement de Dieu