Créve misère
Georges Chelon
Intro: Sur le dos cabossé d'une vieille oubliée Dans un coin de la terre, Un fagot de bois mort versant de ses deux bords Au côté sur les pierres. Lourd, lourd est le fardeau Plus lourd encore à chaque pas nouveau Menton à fleur de pierre, la vieille traîne misère Et porte sa richesse. L'hiver écrase sa morgue et le vent joue à l'orgue Avec ses jambes sèches. Lourde, lourde est la misère Plus lourde encore sous le joug de l'hiver Le fagot, à chaque pas, devient un peu plus plat Sur le dos de la vieille, Mais elle ne s'arrête pas, il reste peu de bois A trois pas de chez elle. Lasse, lasse était la vieille Plus lasse encore qu'au retour de la veille Par le papier huilé, la porte dentelée Suinte un coin de lumière Et la vieille est entrée là pour se chauffer, Immoler sa misère. Brûle, bois mort, tu es l'or de misère! Chauffe plus fort ce qu'il reste de chair! Mais il n'en restait pas lourd et le feu tourna court Aussitôt flammes claires Et la vieille oubliée s'en retournait chercher Son bois mort de misère. Dieu, la voyant et peiner, et gémir Tant eut pitié qu'il crut bon d'intervenir Réjouis-toi! Je t'inscris dans mon livre Va! Je t'accorde encore dix ans à vivre.