Le modeste
Georges Brassens
Les pays c'est pas ça qui manque On vient au monde à Salamanque A Paris, Bordeaux, Lille, Brest (e) Lui, la nativité le prit Du côté des Saintes-Maries C'est un mode - e - ste. Comme jadis a fait un roi Il serait bien fichu je crois De donner le trône et le reste Contre un seul cheval camarguais Bancal, vieux, borgne, fatigué C'est un modeste. Suivi de son pin parasol S'il fuit sans même toucher le sol Le moindre effort comme la peste C'est qu'au chantier ses bras d'Hercule Rendraient les autres ridicules C'est un modeste. A la pétanque, quand il perd Te fais pas de souci, pépère, Si d'aventure il te conteste S'il te boude, s'il te rudoie Au fond, il est content pour toi C'est un modeste. Si, quand un emmerdeur le met En rogne, on ne le voit jamais Lever sur l'homme une main leste C'est qu'il juge pas nécessaire D'humilier un adversaire C'est un modeste. Et quand il tombe amoureux fou Y a pas de danger qu'il l'avoue Les effusions, dame, il déteste Selon lui, mettre en plein soleil Son coeur ou son cul c'est pareil C'est un modeste. Quand on enterre un imbécile De ses amis, s'il raille, s'il A l'oeil sec et ne manifeste Aucun chagrin, t'y fie pas trop Sur la patate, il en a gros C'est un modeste. Et s'il te traite d'étranger Que tu sois de Naples, d'Angers Ou d'ailleurs, remets pas ta veste Lui, quand il adopte, pardi ! Il veut pas que ce soit le dit C'est un modeste. Si tu n'as pas tout du grimaud, Si tu sais lire entre les mots, Entre les faits, entre les gestes Lors, tu verras clair dans son jeu Et que ce bel avantageux C'est un modeste.