Le grand Pan

Georges Brassens

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Du temps que régnait le grand Pan, Les dieux protégeaient les ivrognes : Un tas de génies titubant, Au nez rouge, à la rouge trogne. Dès qu'un homm'vidait les cruchons, Qu'un sac à vin faisait carousse, Ils venaient en bande, à ses trousses, Compter les bouchons. La plus humble piquette était alors bénie, Distillée par Noé, Silène et compagnie, Le vin donnait un lustre au pire des minus Et le moindre pochard avait tout de Bacchus.   Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !" La bande au professeur Nimbus est arrivée, Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement, Chasser les dieux du firmament. Aujourd'hui, çà et là, les gens boivent encor Et le feu du nectar fait toujours luir'les trognes, Mais les dieux ne répondent plus pour les ivrognes : Bacchus est alcoolique et le grand Pan est mort.   Quand deux imbéciles heureux S'amusaient à des bagatelles Un tas de géni's amoureux Venaient leur tenir la chandelle. Du fin fond des Champs-Elysées, Dès qu'ils entendaient un "Je t'aime", Ils accourraient à l'instant même Compter les baisers. La plus humble amourette était alors bénie, Sacrée par Aphrodite, Eros et compagnie. L'amour donnait un lustre au pire des minus Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus. Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !", La bande au professeur Nimbus est arrivée, Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement, Chasser les dieux du firmament. Aujourd'hui, çà et là, les coeurs battent encor Et la règle du jeu de l'amour est la même, Mais les dieux ne répondent plus de ceux qui s'aiment : Vénus s'est faite femme et le grand Pan est mort. Et quand, fatale, sonnait l'heur' De prendre un linceul pour costume, Un tas de géni's, l'oeil en pleur, Vous rendaient les honneurs posthumes. Pour aller au céleste empire Dans leur barque ils venaient vous prendre, C'était presque un plaisir de rendre Le dernier soupir. La plus humble dépouille était alors bénie, Embarquée par Caron, Pluton et compagnie. Au pire des minus l'âme était accordée Et le moindre mortel avait l'éternité. Mais, se touchant le crâne en criant : "J'ai trouvé !", La bande au professeur Nimbus est arrivée, Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement, Chasser les dieux du firmament. Aujourd'hui, çà et là, les gens passent encor, Mais la tombe est, hélas, la dernière demeure, Et les dieux ne répondent plus de ceux qui meurent : La mort est naturelle et le grand Pan est mort. Et l'un des derniers dieux, l'un des derniers suprêmes, Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même. Un beau jour on va voir le Christ Descendre du calvaire, en disant dans sa lippe : "Merde ! Je ne joue plus pour tous ces pauvres types !" J'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste.

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La chanson évoque un monde où les dieux veillaient sur les ivrognes, les amants et même les défunts, leur offrant une sorte de bénédiction. Elle décrit avec ironie comment, autrefois, l'ivresse et l'amour étaient célébrés par des divinités comme Bacchus et Vénus, apportant une dignité même aux plus humbles. Cependant, avec l'avènement de l'ère moderne et l'arrivée de scientifiques qui cherchent à tout expliquer, ces dieux ont disparu du firmament, laissant les gens seuls face à leurs passions et leur mortalité. Dans un contexte où la foi et la mythologie sont souvent éloignées de la réalité quotidienne, cette chanson interroge le rapport que nous entretenons avec le sacré et la manière dont notre monde s'est sécularisé. Elle rappelle aussi que, malgré tout, l'amour, l'ivresse et même la mort continuent à faire partie intégrante de notre existence, même sans les dieux pour les valider.