La messe au pendu
Georges Brassens
Anticlérical fanatique, Gros mangeur d'ecclésiastiques, Cet aveu me coûte beaucoup. Mais ces hommes d'Eglise, hélas ! Ne sont pas tous des dégueulasses Témoin le curé de chez nous. Quand la foule qui se déchaîne Pendit un homme au bout d'un chêne Sans forme aucune de remord Ce ratichon fit un scandale Et rugit à travers les stalles : "Mort à toute peine de mort". Puis on le vit, étrange rite, Qui baptisait les marguerites Avec l'eau de son bénitier Et qui prodiguait les hosties, Le pain bénit, l'Eucharistie, Aux petits oiseaux du moutier. Ensuite, il retroussa ses manches, Prit son goupillon des Dimanches, Et, plein d'une sainte colère, Il partit comme à l'offensive Dire une grand'messe exclusive A celui qui dansait en l'air. C'est à du gibier de potence Qu'en cette triste circonstance L'hommage sacré fut rendu. Ce jour-là, le rôle du Christ (e), Bonne aubaine pour le touriste, Etait joué par un pendu. Et maintenant quand on croasse Nous, les païens de sa paroisse, C'est pas lui qu'on veut dépriser. Quand on crie : "A bas la Calotte" A s'en faire péter la glotte La sienne n'est jamais visée. Anticléricaux fanatiques, Gros mangeurs d'ecclésiastiques, Quand vous vous goinfrerez un plat De cureton, je vous exhorte Camarades, à faire en sorte Que ce ne soit pas celui-là.