L'inestimable sceau
Georges Brassens
Ma mie, en ce temps-là, chaque année au mois d'août Se campait sur la grève, et ça m'était très doux D'ainsi la voir en place D'ainsi la voir en place. Dans cette position, pour se désennuyer Sans jamais une erreur, elle comptait les noyés En suçant de la glace En suçant de la glace. Ses aimables rondeurs avaient fait à la fin Un joli petit trou parmi le sable fin Une niche idéale Une niche idéale. Quand je voulais partir, elle entrait en courroux En disant : "C'est trop tôt, j'ai pas fini mon trou." C'est pas le trou des Halles C'est pas le trou des Halles. Près d'elle, un jour, passa superbe un ange blond Un bellâtre, un bélître au torse d'Apollon Une espèce d'athlète Une espèce d'athlète. Comme mue d'un ressort, dressée sur son séant Elle partit avec cet homme de néant Costaud de la Villette Costaud de la Villette. La volage, en volant vers ce nouveau bonheur Me fit un pied de nez doublé d'un bras d'honneur Adorable pimbêche ! Adorable pimbêche ! J'hésite à simuler ce geste ; il est trop bas. On vous l'a souvent fait, d'ailleurs je ne peux pas La guitare m'empêche ! La guitare m'empêche ! J'eus beau la supplier : "De grâce, ma Nini Rassieds-toi, rassieds-toi ; ton trou n'est pas fini." D'une voix sans réplique D'une voix sans réplique. "Je m'en fous !" cria-t-elle "Et puisqu'il te plaît tant C'est l'instant ou jamais de t'enfouir dedans ; T'as bien fait "La supplique" ! T'es bien fait "La supplique" !" Et je retournai voir, morfondu de chagrin La chute laissée par la chute de ses seins Par ses parties dodues Par ses parties dodues. J'ai cherché, recherché, fébrile jusqu'au soir L'endroit où elle avait coutume de s'asseoir Ce fut peine perdue Ce fut peine perdue. La vague, indifférente, hélas, avait roulé Avait fait plage rase, avait annihilé L'empreinte de ses sphères L'empreinte de ses sphères. Si j'avais retrouvé l'inestimable sceau Je l'aurais emporté, grain par grain, seau par seau Mais m'eût-on laissé faire ? Mais m'eût-on laissé faire ?