L'antéchrist
Georges Brassens
Je ne suis pas du tout, l'antéchrist de service, J'ai même pour Jésus et pour son sacrifice Un brin d'admiration, soit dit sans ironie, Car cela ne doit pas être une sinécure, Non, que de se laisser cracher à la figure Par la canaille et la racaille réunies. Bien sûr il est normal que la foule révère Ce héros qui jadis parti pour aller faire L'alpiniste avant l'heure, en haut du Golgotha, En portant sur l'épaule une croix accablante, En méprisant l'insulte et le remonte pente, Et sans aucun bravo qui le réconfortât ! Bien sûr autour du front la couronne d'épines, L'éponge trempée dans Dieu sait quelle bibine, Et les clous enfoncés, dans les pieds et les mains, C'est très inconfortable et ça vous tarabuste, Même si l'on est brave et si l'on est robuste, Et si le paradis est au bout du chemin. Bien sûr, mais il devait défendre son prestige, car il était le fils du ciel, l'enfant prodige, Il était le Messie et ne l'ignorait pas. Entre son père et lui, c'était l'accord tacite : Tu montes sur la croix et je te ressuscite ! On meurt de confiance avec un tel papa. Il a donné sa vie sans doute mais son zèle Avait une portée quasi universelle Qui rendait le supplice un peu moins douloureux. Il savait que dans chaque église, il serait tête D'affiche et qu'il aurait son portrait en vedette, Entouré des élus, des saints, des bienheureux. En se sacrifiant il sauvait tous les hommes. Du moins le croyait-il ! Au point où nous en sommes, On peut considérer qu'il s'est fichu dedans. Le jeu si j'ose dire, en valait la chandelle. Bon nombre de chrétiens et même d'infidèles, Pour un but aussi noble en auraient fait autant (Cela dit je ne suis pas l'Antéchrist de service)