Je suis un voyou
Georges Brassens
Ci-gît au fond de mon coeœur une histoire ancienne Un fantôme un souvenir d’une que j’aimais... Le temps à grands coups de faux peut faire des siennes Mon bel amour dure encore et c’est à jamais... J’ai perdu la Tramontane en trouvant Margot Princesse vêtue de laine Déesse en sabots... Si les fleurs le long des routes s’mettaient à marcher C’est à la Margot sans doute qu’elles feraient songer... J’lui ai dit : « De la Madone tu es le portrait ! » Le Bon Dieu me le pardonne c’était un peu vrai... Qu’il me le pardonne ou non d’ailleurs je m’en fous J’ai déjà mon âme en peine : je suis un voyou. La mignonne allait aux vêpres se mettre à genoux Alors j’ai mordu ses lèvres pour savoir leur goût... Elle m’a dit d’un ton sévère : « qu’est-ce que tu fais là ? » Mais elle m’a laissé faire les filles c’est comme ça... J’lui ai dit : « Par la Madone reste auprès de moi ! » Le Bon Dieu me le pardonne mais chacun pour soi... Qu’il me le pardonne ou non d’ailleurs je m’en fous J’ai déjà mon âme en peine : je suis un voyou. C’était une fille sage a « bouche que veux-tu ? » J’ai croqué dans son corsage les fruits défendus... Elle m’a dit d’un ton sévère : « qu’est-ce que tu fais là ? » Mais elle m’a laissé faire les filles c’est comme ça... Puis j’ai déchiré sa robe sans l’avoir voulu... Le Bon Dieu me le pardonne je n’y tenais plus ! Qu’il me le pardonne ou non d’ailleurs je m’en fous J’ai déjà mon âme en peine : je suis un voyou. J’ai perdu la Tramontane En perdant Margot Qui épousa contre son âme Un triste bigot... Elle doit avoir à l’heure A l’heure qu’il est Deux ou trois marmots qui pleurent Pour avoir leur lait... Et moi j’ai tété leur mère longtemps avant eux... Le Bon Dieu me le pardonne j’étais amoureux ! Qu’il me le pardonne ou non d’ailleurs je m’en fous J’ai déjà mon âme en peine : je suis un voyou.