Le kiosque
Gauvain Sers
| | Sur la sortie 3 du métro, il tombait des cordes ce jour-là Moi, j'étais pas tellement chaud, de me prendre une douche malgré moi C'est en cherchant vite un abri, qu'alors, j'l'ai aperçue de dos Elle qui n'avait pour parapluie que son joli kiosque à journaux C'est l'genre de choses qui prévient pas, surtout qu'd'habitude honnêtement Ceux qui vous vendent Libé, l'Huma, c'est des moustachus bedonnants Quand elle s'est r'tournée pour de bon, en m'demandant si j'voulais d'l'aide Je restais figé comme un con, en un éclair j'en étais raide J'crois qu'elle aurait pu, ce jour-là, me r'fourguer n'importe quel torchon Tellement j'étais plus vraiment moi, le cerveau en ébullition J'ai fait semblant d'chercher un peu, pour grignoter quelques secondes J'étais cet agent malicieux planqué derrière la une du Monde Et comme dans toute bonne filature, il s'agit pas d'se faire griller J'ai pris Charlie pour la lecture et j'lui ai tendu un billet Quand pour me rendre 3 euros 20, elle a choisi que des p'tites pièces Elle m'a surtout frôlé la main et j'ai pris une claque de tendresse Sur le chemin jusqu'à ma porte, j'me suis r'passé la scène mille fois Le coup des fossettes qui ressortent, moi, j'peux pas lutter contre ça J'aurais voulu faire demi-tour pour l'emmener voir le Tout-Paris J'étais même prêt à faire l'amour entre Les Inrocks et Voici Un peu comme une gardienne de phare dans une tempête de magazines C'est elle qui trône sur le boulevard, et aux mêmes horaire qu'à l'usine C'est l'genre de femme quand elle sourit, elle met d'côté vos p'tits malheurs C'est l'genre de femme qui peut aussi, vous faire dev'nir un grand lecteur Je passais d'vant matin et soir, il a fallu un jour de pluie Pour qu'enfin je change de trottoir et qu'une averse bouleverse ma vie Demain j'me lance et je lui tends un p'tit café dans un gobelet Si elle se barre pas en courant, c'est que peut-être on sait jamais C'est que peut-être on sait jamais