Sur le bout de la banquette
Fernandel
Elle s'appelait Célestine Par hasard, il s'app'lait Célestin C'était une fille de cuisine Lui, c'était un garçon d'magasin Elle n'était pas très, très fine Lui n'était pas très, très dégourdi Du dimanche au samedi Jours de fête y compris On les voyait l'après-midi Sur le bi, sur le bout d'la banquette D'un p'tit café-tabac de la rue d'la Roquette Ils revenaient s'asseoir À côté du comptoir De trois heures jusqu'à sept heures du soir L'amant prenait toujours un café bien chaud Et l'amante prenait une menthe à l'eau Et les yeux dans les yeux Se frôlant les cheveux Ils étaient heureux Lui pensait "Faut qu'on s'marie" Mais, hélas, il attendait en vain Tous ses papiers d'Arménie Attendu qu'il était Arménien Pensant qu'un jour la mairie Pourrait les unir avant longtemps Depuis déjà sept ans L'hiver comme le printemps Ils s'r'trouvaient le coeur battant (Refrain) Mais à la fin, las d'attendre Il lui dit "Pour qu'on puisse se marier En Arménie, je vais m'rendre Et je rapporterai mes papiers" La pauvre fille au coeur tendre Dit "Va-s'y ! Et moi je t'attendrai" Toute seule désormais Quand trois heures sonnaient Par habitude, elle revenait Sur le bi, sur le bout d'la banquette Du p'tit café-tabac de la rue d'la Roquette Elle lisait les journaux Elle faisait du tricot En buvant toujours sa menthe à l'eau Quand, au bout de trois ans, il revint d'là-bas Elle avait épousé l'patron du tabac Ce qui prouve qu'en amour Qu'il soit long, qu'il soit court Cà n'dure pas toujours.