Le tour de l'île
Félix Leclerc
Pour supporter, le difficile, et l'inutile Y a l'tour de l'île, quarante-deux milles, de choses tranquilles Pour oublier, grande blessure, dessous l'armure Eté, hiver, y a l'tour de l'île, L'Ile d'Orléans L'Ile c'est comme Chartres, c'est haut et propre, avec des nefs Avec des arcs, des corridors, et des falaises En février, la neige est rose, comme chair de femme Et en juillet, le fleuve est tiède, sur les battures Au mois de mai, à marée basse, voilà les oies Depuis des siècles, au mois de juin, parties les oies Mais nous les gens, les descendants, de La Rochelle Présents tout l'temps, surtout l'hiver, comme les arbres Mais c'est pas vrai, ben oui c'est vrai, écoute encore Maisons de bois, maisons de pierre, clochers pointus Et dans les fonds, des pâturages, de silence Des enfants blonds, nourris d'azur, comme les anges Jouent à la guerre, imaginaire… Imaginons l'île d'Orléans, un dépotoir, un cimetière Parcs à vidanges, boîte à déchets, US parking On veut la mettre, en mini-jupe, and speak english Faire ça à elle, l'île d'Orléans, notre fleur de lys, Mais c'est pas vrai, ben oui c'est vrai, raconte encore Sous un nuage, près d'un cours d'eau, c'est un berceau Et un grand-père, au regard bleu, qui monte la garde Il sait pas trop, ce qu'on dit…dans les capitales L'il vers le golfe, ou Montréal, guette le signal Pour célébrer, l'indépendance, quand on y pense C'est-y en France, c'est comme en France, le tour de l'île, Quarante-deux milles, comme des vagues, les montagnes, Les fruits sont mûrs, dans les vergers, de mon pays, Ça signifie, l'heure est venue, si t'as compris