Le grillon et la luciole
Émile Proulx-Cloutier
Dans une ville minière Bâtie trop loin de tout Des hommes cherchent la lumière En piochant dans un grand trou Sur le petit terrain vague Entre l'usine et l'école Un grillon chante et drague Une jolie luciole Les journées sont bien longues Sans voir son amoureuse Mais quand enfin la nuit tombe Elle offre une rumba lumineuse Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois Plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Un jour l'usine meurt Et des milliers d'hommes chôment S'exilent, la rage au coeur Loin de la ville fantôme Quand vient la première nuit Sans lampadaire ni fanal Le grillon voit tout ébloui S'allumer cent milliards d'étoiles Tandis qu'il chante la sérénade À toutes ces lueurs nouvelles La luciole se rend malade À vouloir briller plus fort qu'elles Tu m'vois, tu m'vois Plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois Plus, tu m'vois plus Tu m'vois plus, tu M'vois plus Tu m'vois plus, tu m'vais plus Tu m'vois plus, tu m'vois mëme plus Dans ses larmes, la luciole Voit passer un satellite Qui clignote et caracole Tout le long de son orbite « On dirait qu'il me veut, On dirait qu'il m'invite» Elle fait ni une ni deux Et se lance à sa poursuite À travers monts et rivières Le grillon traque sa concubine «Reviens ma lumière J'vaux mieux qu'cette pauv'machine !o Mais quand s'éteint le crépuscule Ce qu'il trouve au bout de ses peines C'est la danse trop lointaine D'un amour qui pulse Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois plus Tu m'vois, tu m'vois, tu m'vois plus Moi, j'te vois toi, mais toi tu m'vois plus Tu m'vois-tu ? - Non j'te vois plus A l'orée d'une ville côtière Le grillon gémissant Lève les yeux vers la mer Décidé à se jeter dedans Mais au large, il y a une bouée Qui brille depuis la nuit des temps II se dit «Contre vents et marées, Elle sera encore là dans cent ans» Depuis ce jour, sur la grève 11 contemple sa chimère Et quand enfin la nuit se lève Chante au tempo de sa lumière