Les enfants paradis
Damien Saez
Ils étaient des sourires, ils étaient des sanglots Ils étaient de ces rires que font les chants d'oiseaux Ils étaient des matins quand on va bord de mer Ils étaient coeur chagrin, ils étaient coeur lumière Ils étaient des poèmes, ils étaient des oiseaux Ils étaient des "je t'aime" qu'on dit bord du ruisseau Ils étaient du café, ils étaient du bistrot Ils étaient étrangers, ils étaient sans drapeau Ils étaient de Paris, ils étaient de province Ils étaient coeur de pluie qui font mon coeur qui grince Ils étaient plein de vie, avaient l'oeil du printemps Ils étaient coeur qui rit quand le ciel est pleurant Ils étaient des promesses, ils étaient devenir Ils étaient bien trop jeunes, oui, pour devoir partir Ils étaient fils d'Orient ou fils de l'Occident Enfants du paradis, enfants du Bataclan Ils étaient coeur français ou international Ils étaient la rosée qui pleure dessous le châle Ils étaient des promesses, ils étaient des bourgeons Qui font monter tristesse, ils étaient des chansons Ils étaient des familles, ils étaient des amis Ils étaient ce qui brille dans le ciel de la nuit Ils étaient amoureux, ceux qui se sont blottis L'un contre l'autre, à deux contre la tyrannie Ils étaient comme toi, ils étaient comme moi Ils n'étaient pas guerriers, mais sont morts au combat Ils étaient coeur d'amour, ils étaient coeur qui bat Puis qui battra toujours même en dessous la croix Ils étaient ces amis que je connaissais pas Ils étaient mon pays et puis le tien, je crois Ils resteront Paris, Paris se souviendra Toujours de ces amis, la lumière brillera Ils s'appelaient je t'aime, ils s'appelaient jeunesse Ils s'appelaient poèmes, ils s'appelaient tendresse Ils s'appelaient frangines, ils s'appelaient frangins Ils s'appelaient gamines, ils s'appelaient gamins Ils s'appelaient la joie et puis la non violence Ils s'appelaient, je crois, les enfants de la France De tous les horizons, puis de tous les prénoms Ils s'appelaient amour, s'appelaient l'horizon Ils s'appelaient Jacques Brel, puis, je crois, Barbara Ils s'appelaient le ciel, ils s'appelaient pourquoi Toujours ici sommeille l'horreur au creux du bois Qui rejoint l'Éternel, va l'innocent, je crois Ils étaient poings levés, ils étaient nos concerts Ils étaient coeur serré, oui, face aux tortionnaires Ils étaient coeur d'oeillets, des fleurs face aux fusils À nos coeurs endeuillés, nous pleurons nos amis À l'innocent qu'on tue, oui, tombé sous les balles Au soldat inconnu, sous l'horreur des mitrailles Si sont les lettres mortes, les cantiques du chagrin Puisque frappent à la porte les plaines de Verdun Si sont tombés ce soir, en ce vendredi noir Les frères de mon pays, nous laissant désespoir Mon pays, ta culture, est morte assassinée Mais tu sais ma culture, non, ne mourra jamais Toi mon pays, Molière, toi mon pays, Vinci Toi mon pays, Voltaire, toi mon pays, Valmy Toi mon pays, la Terre, toi mon pays, Paris Toi mon pays parterre, relève-toi mon pays Toi mon pays lumière, toi mon pays la vie Mon pays littéraire, mon pays triste vie Toi mon pays mes frères, toi frère de mon pays Comme on chérit sa mère, on chérit sa patrie