Paris mai
Claude Nougaro
Mai, mai, mai, Paris, mai Mai, mai, mai, Paris Mai, mai, mai, Paris, mai Mai, mai, mai, Paris. Le casque des pavés ne bouge plus d'un cil La Seine à nouveau ruisselle d'eau bénite Le vent a dispersé les cendres de Bendit Et chacun est rentré chez son automobiliste. J'ai retrouvé mon pas sur le glabre bitume Mon pas d'oiseau. Forçat enchaîné à sa plume Et piochant l'évasion d'un rossignol titan Capable d'assurer le Sacre du Printemps. Ces temps-ci, je l'avoue, j'ai la gorge un peu âcre Le sacre du printemps sonne comme un massacre. Mais, chaque jour qui vient embellira mon cri Il se peut que je couve un Igor Stravinsky. (accords du § 1) Et je te prends, Paris, dans mes bras pleins de zèle Sur ma poitrine, je presse tes pierreries. Je dépose l'aurore sur tes Tuileries Comme une rose sur le lit d'une demoiselle. Je survole à midi tes six millions de types Ta vie à ras le bol me file au ras des tripes. J'avale tes quartiers aux couleurs de pigeon. Intelligence blanche et grise religion. Je repère en passant Hugo dans la Sorbonne Et l'odeur d'eau-de-vie de la vieillelle bonbonne. Aux lisières du soir, mi-manne, mi-mendiant Je plonge vers un pont où penche un étudiant. Le jeune homme harrassé déchirait ses cheveux. Le jeune homme hérissé arrachait sa chemise : (accords des deux premiers vers) (Parlé :) Camarade, ma peau est-elle encore de mise Et dedans mon coeur seul ne fait-il pas vieux jeu ? Avec ma belle amie, quand nous dansons ensemble Est-ce nous qui dansons ou la terre qui tremble ? Je ne veux plus cracher dans la gueule à Papa ! Je voudrais savoir si l'homme a raison ou pas Si je dois endosser cette guérite étroite. Avec sa manche gauche, avec sa manche droite Ses pâles oraisons, ses hymnes cramoisis Sa passion du futur, sa chronique amnésie. (accords du § 3) C'est ainsi que parlait sans un mot ce jeune homme Entre le fleuve ancien et le fleuve nouveau Où les hommes noyés nagent dans leurs autos. C'est ainsi, sans un mot, que parlait ce jeune homme. Et moi, l'oiseau-forçat, casseur d'amène croûte Vers mon ciel du dedans j'ai replongé ma route Le long tunnel grondant sur le dos de ses murs Aspiré tout au bout par un goulot d'azur. Là-bas, brillent la paix, la rencontre des pôles Et l'épée du printemps qui sacre notre épaule. Gazouillez, les pinsons, à soulever le jour ! Et nous autres, grinçons, pont-levis de l'Amour.