Le revenant
Charles Trenet
Un cri dans la nuit d'hiver, Ma fenêtre est de travers. Je la ferme de mon mieux Je vois la couleur des cieux : Ils sont noirs, Il y a du vent, Vent d'autan ou vent d'antan. Le manteau des cheminées Recommence à frissonner. Sur la route, j'aperçois Un bien étrange bourgeois. Où donc l'ai-je déjà vu Pieds fourchus et front cornu ? C'est le diable'... ou le docteur, Qui me font mourir de peur, Ou bien mon ange gardien ? Je ne sais plus, je ne sais rien ! Ça craque dans le magasin Où se cache un assassin, Un fantôme familial, Une infirmière d'hôpital. Une grand-mère Blanche de Castille Qui parait devant sa fille Pour lui dire de l'oublier Quand reviendront les ouvriers. Il y aura du "tintalan" Quand un marteau tombe en panne. Un ténor de l'opéra Le répare à tour de bras. Puis il meurt d'apoplexie Comme une vraie tomate farcie. La poussière qui le recouvre Est la même qu'on voit au Louvre. Un train passe dans la nuit. Il m'emportait avec lui Autrefois lorsque j'étais Ce jeune enfant qui rêvait. Qui rêvait d'un autre ciel De Paris de la Tour Eiffel, Qui rêvait de tout quitter Et de ne vivre que pour chanter. Qu'est-il advenu depuis, Depuis tant et tant de nuits, Depuis tant et tant de saisons, Aux placards de la maison ? Les souvenirs, au rendez-vous, Vont revenir, mais je vous l'avoue, Demain je leur ferai faux-bond, Car je ne suis qu'un vagabond !