Kangourou
Charles Trenet
Kangourou, kangourou, Mon gentil p'tit kangourou Aux yeux verts au poil roux, On t'aimait ici beaucoup. On t'avait rapporté Du pays des grands étés, D'Australie, Dans un lit, Un petit lit de paille bien joli. Kangourou, kangourou, Les premiers jours furent si doux. Tu sautais comme un fou, Gambadant un peu partout. Sous les arbres, dans leurs fleurs, Tu faisais le joli coeur. Les voisins sans courroux Disaient : "Qu'il est gentil, ce kangourou." Tu grandis, tu grandis. Le jardin devint trop p'tit. À la fin, rassasié De jouer à saute-rosier, Saute-lilas, saute-gazon, Un beau jour, tu fis un bond Et franchit, c'est malin, Le mur de la maison de Saint Paulin. Un gendarme qui passait S'écria : "Mais qu'est-c'que c'est Que ce gros lapin d'choux Qui saute le mur de chez vous ?" Je lui dis : "Ce lapin, M'sieur l'gendarme, c'est un copain." Sans m'entendre, il t'emmène Pour t'enfermer au zoo de Vincennes. Nous venions le jeudi T'apporter des fruits confits. Tristement, tu r'gardais Les badauds qui te badaient Et ton oeil semblait dire : D#7(sus4) "Est-ce bien vrai ou est-ce pour rire Ou pour faire une chanson Que tu m'as fait jeter dans cette prison ?" Vint l'automne, les jours froid Et j'compris ce jour, ma foi, En venant un jeudi Que tu allais mourir d'ennui. J'eus alors du chagrin De t'avoir ramené de si loin Sans savoir que ton bonheur, C'était de vivre au pays de ton coeur. Kangourou, kangourou, Tu partis, gentil comme tout, Pour des lieux merveilleux Où l'on voit passer l'Bon Dieu, Mais parfois, quand l'soleil Brise de ses rayons vermeils La pluie fine du mois d'août, Je crois te voir là-haut, mon kangourou. Librement, librement, Tu gambades au firmament. Sur de beaux nuages perché, Tu t'amuses à saute-clocher, Saute le toit d'la maison, Saute les vers de ma chanson, Loin des cages des verrous Et sans rancune pour moi, mon kangourou.