La noyée
Carla Bruni
Tu t'en vas à la dérive, Sur la rivière du souv'nir, Et moi, Courant sur la rive, Je te crie de reve--nir. Mais, lentement, tu t'éloignes, Et dans ta course éperdue, Peu à peu, je te regagne, Un peu du terrain perdu. De temps en temps, tu t'enfonces, Dans le liquide mouvant, Ou bien, frôlant quelques ronces, Tu hésites et tu m'attends, En te cachant la figure, Dans ta robe retroussée, De peur que te défigurent Et la honte et les regrets. Tu n'es plus qu'une pauvre épave, Chienne crevée au fil de l'eau, Mais je reste ton esclave, Et plonge dans le ruisseau. Quand le souvenir s'arrête, Et l'océan de l'oubli, Brisant nos coeurs et nos têtes, A jamais nous réunit.