Lazare et cécile
Anne Sylvestre
On dit que Lazare et Cécile Se sont enfuis cette nuit Et que la lune docile Jusqu’au matin n’a pas lui On dit qu’un foulard de brume Fit pour elle un voile blanc Fit à Lazare un costume Tissé de nacre et d’argent On le savait au village Que Cécile allait souvent Rêvasser dans les herbages Et danser avec le vent On riait de ce Lazare Sans amie et sans fiancée Qui rôdait près de la mare Et n’allait jamais danser. On dit que Lazare et Cécile Ont un soir changé d’avis C’était pourtant pas facile De se cacher tout près d’ici Ils ont joint leurs solitudes Ils ont partagé le vent Prenant la douce habitude De s’aimer secrètement. Au bout de quelques semaines Il parut aux indiscrets Que dans sa jupe de laine Cécile s’alourdissait. Lors il fallut les entendre Tous crier au déshonneur Mais Cécile qui est tendre A préféré le bonheur. On dit que Lazare et Cécile Se sont enfuis cette nuit Il y a bien des imbéciles Pour en sourire aujourd’hui Pourtant jusqu’au bout des saules Ils se sont tenu la main Puis épaule contre épaule Ils ont suivi leur chemin. On aurait voulu peut-être Voir Cécile dans l’étang Et sur la branche d’un hêtre Trouver Lazare pendant Sans gène on aurait pu suivre Leur cortège en soupirant Mais ceux que l’amour délivre Préfèrent s’aimer vivants. On dit que Lazare et Cécile Se sont mariés cette nuit Dans la lumière fragile Des heures d’après minuit On dit qu’au creux de la mare La lune en deux se brisa Formant deux anneaux bizarres Qu’ils se glissèrent au doigt. Quand ils ont couru ensemble Le vent leur fit un manteau Moi qui ne dormais pas j’en tremble De les avoir vus si beaux. Toi Cécile et toi Lazare Apprenez à vos enfants Que jamais on ne sépare Ceux qui s’aiment simplement Que jamais on ne sépare Ceux qui s’aiment simplement.