La vague
Francesca Solleville
Mesures à 4 temps : 2 temps || 2 temps 2 temps || 1 temps | 1 temps || || || || C'est une longue vague ample, lente, profonde Qui vient battre nos côtes et meurt sur les galets Elle arrive de loin ; entendez-la qui gronde ! Quelle force pourrait arrêter la marée ? Entassés sur le pont, étouffant dans les cales De vieux rafiots rouillés qu'un rien fera sombrer C'est une foule immense d'humains tremblants et pâles Qui s'offrent à la mort pour tenter d'exister Ils s'appellent Ibrahim, Rachid, Macodou Elles, c'est Djamila la belle ou Fatima, Elles ont, contre leurs seins, des enfants aux yeux doux Des enfants juste nés qui ne comprennent pas Eux, bras dressés, supplient le ciel noir et cruel Leur bouche n'est qu'un cri où résonne l'effroi La houle les secoue ; les gouffres les appellent Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas Nous ne pourrons pas dire que nous n'avons pas vu Les villages rasés et les vieilles en larmes Les yeux hallucinés, les haillons, les pieds nus Avec, dans le lointain, le grondement des armes Voilà ce qu'ils ont fui par dunes et pierrailles Pour d'autres, c'est la faim, qu'en savons-nous ici? La faim sorcière noire ; où faut-il donc qu'ils aillent? Ce n'est pas, coeur léger, qu'on engage sa vie Et nous, voyant venir cette pure souffrance, Nous laissons aboyer les bâtisseurs de haine, Les bâtisseurs de murs aux vieilles idées rances Qui sentent la charogne et les brumes anciennes Et nous baissons les yeux, coeurs et portes fermés Que dira-t-on de nous dans cent ans, dans vingt ans ? Eux, suivent leurs chimères, acharnés, harassés Et la nuit descend sur un monde indifférent.